"C’est arrivé il y a 14 ans à peu près, en 2003. On n’est pas propriétaires du domaine de père en fils ou en fille depuis des générations, c’est un domaine qu’on a racheté en 2003 au Vicomte et à la Vicomtesse De Champfleur. Le domaine était déjà viticole, il y avait déjà des vignes mais ils amenaient les raisins en cave coopérative.
C’est un domaine qui a été créé il y a peu près 230 ans, en 1781, et qui a vu 4 générations de propriétaires. Les De Champfleur n’étaient pas les propriétaires originels, ils avaient acheté le domaine il y a près de 90 ans maintenant. M. de Champfleur a toujours connu ce domaine. Avant eux, il y a eu M. Dupontel qui était un Ingénieur en hydrologie. Il a détourné la Dourbie qui est le cours d’eau duquel le domaine a tiré son nom, qui circulait dans le domaine et le coupait en deux. Il a fait une grande tranchée de 20m de profondeur sur 20m de large et sur 200m de long pour aller se jeter directement dans l’Hérault sans diviser le domaine. A l’époque c’était un gros chantier parce que c’était à la pelle et à la pioche. C’est un événement important dans l’histoire du domaine : cela a permis de mettre les terres d’un seul tenant.
A sa retraite, il a donc pensé revenir ici. Il a visité le domaine quand il a été mis en vente et il en est tombé amoureux : ses vignes, son bâtiment, son parc avec des arbres centenaires, l’accès à l’Hérault et juste à côté du Pouget qu’on voit là haut, son village natal. Mais il n’avait pas encore fini sa carrière ! Alors il s’est dit : « Qui va s’en occuper ? » Son jeune fils était occupé à Paris à d’autres choses et moi j’étais à New York aux Etats-Unis.
Cela faisait 4 ans que j’y étais et cela tombait très bien. Il savait que je commençais à me dire : « Bon, c’est peut-être le moment de rentrer ». J’éprouvais de la nostalgie. Il m’appelle et me dit : « Ecoute, j’ai trouvé un domaine viticole, je veux l’acheter, sauf que ton frère n’a pas le temps de s’en occuper et il ne veut pas. Et j’ai dit : « Très bien, je viens, je m’en occupe. » Ça s’est passé comme ça en 2003. J’arrive en avril, il a fallu restaurer la cave ce qui a été très important : il fallait faire la vendange fin août. Il y avait certes des cuves mais elles n’étaient pas en état. Il fallait refaire la tuyauterie, les portes étaient en fonte, il fallait mettre de l’inox, un revêtement époxy à l’intérieur, s’équiper de cuves inox, refaire le sol car il n’y avait pas de caniveaux et que c’était presque de la terre battue, faire la récupération des eaux usées, s’équiper en groupe de froid, pressoir, etc. Donc on avait 4 mois pour faire tout ça… C’était un peu la course ! On a reçu les cuves inox 3 jours avant le début des vendanges ! D’autant plus qu’en 2003, c’était une année de canicule donc les vendanges étaient très précoces et les vendanges ont commencé vers le 15 août. On a reçu les cuves vers le 12… ! C’était juste ! Ensuite, il a fallu faire une gamme de vins et il a fallu apprendre à faire le vin. Je n’avais pas eu le temps d’aller à l’école parce qu’il y avait tellement de travail sur le domaine que j’ai appris avec un oenologue, comme beaucoup de domaines l’ont fait, que ce soit à la vigne ou à la cave. Il nous a suivi pendant quelques années et il avait plutôt à l’esprit de faire un vin naturel donc très rapidement on a voulu faire du vin bio. A partir de 2009, on a entamé la démarche Ecocert pour faire la conversion et depuis 2012 on est Bio. On a recréé des jardins un peu comme cela aurait pu être à l’époque. On a créé un grand gazon où les moutons pouvaient brouter l’herbe en pâture autrefois. On a créé un étang sur une zone inondable, des potagers, un verger, un ou deux champs d’oliviers, des jardins à la française, etc."